Garantir un revenu pour tous

        1. Nécessité d'un droit au revenu
          1. Augmentation de la misère (sécurité sociale)
          2. Généralisation de la précarité (économie de la demande)
          3. Reconnaître le travail non salarial
          4. "Employabilité" et seuil de pauvreté
          5. Droit au travail (lutte contre le chômage)
          6. Renforcer les luttes salariales et la résistance aux bas salaires
          7. Favoriser le temps partiel choisi
          8. Travail immatériel et réseaux
          9. Tiers-secteur alternatif au salariat capitaliste et productiviste
          10. Transformation des rapports sociaux (citoyenneté, femmes)
          11. Autonomie, dignité, droits effectifs (parité)
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        2. Objections au revenu garanti
          1. économiques
            1. Fin du travail ou refus du travail
            2. Fin de la "valeur travail" (déconnexion du travail et du revenu)
            3. Trappe à pauvreté
            4. Faisabilité
          2. sociales
            1. Suppression du smic (déréglementation)
            2. Baisse des salaires
            3. Défense du salariat (priorité à la RTT)
            4. Renoncer au plein emploi (un chômeur veut un emploi)
          3. morales
            1. Pas de droit sans devoirs
            2. Encouragement à la paresse
            3. Prendre à ceux qui travaillent (parasites)
            4. Culpabilité et dépendance de l'assistanat
            5. Contrôle social ou sauver le capitalisme
 
Le préambule de notre constitution affirme que "la société doit à chacun de ses membres des moyens convenables d'existence". Le Droit au revenu a été défendu par de nombreux intellectuels ou économistes de différents horizons. Il n'est pourtant devenu une revendication politique qu'à partir du mouvement des chômeurs de 1997-1998, revendication reprise par les Verts français et européens ainsi que par les jeunes de Chiche!.

Pour nous le droit au revenu ne se substitue pas au droit au travail mais doit le compléter. Il ne saurait remplacer les nécessaires garanties de revenus comme les retraites, les allocations chômage (dont actuellement 60% des chômeurs sont exclus) mais le droit au revenu est la base d'une reconstruction des garanties sociales contre la précarité salariale en s'adaptant aux nouvelles forces productives immatérielles tout en ouvrant à un autre mode de développement.

Nous demandons un Revenu Social Garanti individuel de 75% du smic (4000F) et qui reste acquis pour les salariés à temps partiel proportionnellement au temps non travaillé. Le RSG doit être de plus conservé comme subvention pour les activités individuelles écologiques, culturelles ou sociales. Contrairement au RMI il doit être individuel, il doit pouvoir se cumuler avec un travail et surtout il doit être largement augmenté.

    1. Nécessité d'un droit au revenu
      1. Augmentation de la misère (sécurité sociale)

      2. D'abord une constatation de la loi sur l'exclusion : un nombre de plus en plus grand de personnes ne sont pas couvertes par la protection sociale. En particulier, les jeunes de moins de 25 ans ne doivent plus être privés de tout droit au revenu et voués à l'exploitation par les petits boulots. On peut constater aussi que le RMI est bien insuffisant (augmentation des minima sociaux). On est là bien sûr dans le plus urgent mais aussi dans la simple compensation des dégâts du capitalisme. Un point essentiel de ce droit au revenu pourtant est qu'il doit pouvoir être cumulé avec un travail, contrairement au RMI, pour ne pas enfermer les bénéficiaires dans leur pauvreté (trappe à pauvreté).
      3. Généralisation de la précarité (économie de la demande)

      4. La précarité est constitutive du nouveau mode de production s'adaptant à la demande. Elle doit être rémunérée comme telle, pour sa participation à l'augmentation de la productivité, de même que les salariés ont besoin d'être protégés de ses conséquences dans leur vie (Supiot, Au-delà de l'emploi). Actuellement les travailleurs précaires cotisent en pure perte, sans avoir droit aux indemnités de chômage. Ce revenu garanti n'est donc pas seulement nécessaire, il est légitime. Un revenu c'est un dû, c'est la contrepartie de la participation de tous à la production. Le déclin du contrat à durée indéterminée manifeste l'externalisation de la formation et de la reproduction de la force de travail, le profit résultant en grande partie de la mobilisation d'externalités non rémunérées. Le travail payé recouvre de moins en moins la valeur créée. Le revenu garanti n'est donc pas seulement une mesure élémentaire de justice sociale mais c'est un élément indispensable à la mobilité des organisations et à la protection des nouvelles forces productives.
      5. Reconnaître le travail non salarial

      6. La productivité des entreprises est désormais extrêmement dépendante de l'évolution de la science et de la technique mais aussi du niveau de formation et d'équipement local (les régions qui gagnent). Ce qu'on appelle les externalités positives (science, technique, formation, infrastructures) prennent de plus en plus d'importance. Au-delà même du salariat précaire, chacun participe à la production dans ce qu'on peut appeller désormais la Société-usine dont on ne sort jamais. Il s'agit d'une part de reconnaître le travail non salarial, domestique ou bénévole participant à la productivité générale. D'autre part le savoir accumulé est un héritage collectif. L'héritage est le type même de droit sans devoir. On doit bien l'admettre : un revenu est un droit. Tout citoyen doit participer à l'héritage commun, pas seulement les entreprises. Le "revenu d'existence" comme participation à la richesse de la société est un droit entièrement légitime, même sans emploi officiel et continu, mais qui se redouble de la reconnaissance d'un travail effectif malgré tout. C'est donc la reconnaissance de la valeur de chacun, de sa contribution à la richesse sociale aussi bien que de l'héritage commun des générations passées.
      7. "Employabilité" et seuil de pauvreté

      8. Les points précédents ont mis en lumière l'importance d'un certain niveau de formation et d'adaptation qu'on ose désormais appeler "capital humain" ou "employabilité". Il est évident de ce point de vue que le niveau du revenu garanti est essentiel. Il ne peut être inférieur au seuil de pauvreté sans entamer gravement les capacités de l'individu. Entre une allocation universelle libérale condamnant à des petits travaux sous-payés (salaire d'appoint) et un véritable droit au revenu permettant de choisir son activité, la différence est dans le montant selon qu'il est ou non suffisant. C'est un point essentiel, ce revenu ne doit pas être inférieur à 4000F (ou 75% du smic) et il doit pouvoir être cumulé partiellement avec un emploi. Il peut constituer ainsi la sécurité minimum nécessaire à la mobilité exigée de plus en plus d'une activité à une autre.
      9. Droit au travail (lutte contre le chômage)

      10. Le droit au revenu ne doit pas se substituer aux autres droits mais servir de base à un véritable droit au travail. D'abord en encourageant le cumul du revenu garanti avec un emploi, mais surtout en le complétant d'un véritable Droit à l'initiative économique. Il ne faut pas limiter le droit au travail aux emplois salariés. Le revenu garanti permet des activités aussi différentes que le bénévolat, les intermittents du spectacle ou la création d'emplois individuels. Ce n'est pas le travail qui manque, ce sont les moyens. Le revenu garanti peut être ainsi un moyen de lutte contre le chômage et pas seulement contre la misère.
      11. Renforcer les luttes salariales et la résistance aux bas salaires

      12. Par son existence, le revenu garanti réduit le chômage mais aussi la pression à prendre n'importe quel travail à n'importe quelle condition. Il constitue un "revenu de résistance" à des conditions jugées inacceptables. Le montant de 75% du smic devrait pousser à la hausse la plupart des salaires. De même le revenu garanti favorise les grèves et toutes formes de militantisme, on peut penser qu'il sera donc favorable aux luttes salariales.
      13. Favoriser le temps partiel choisi

      14. Un autre avantage du Revenu Social Garanti, tel que nous le proposons, c'est qu'il encourage le temps partiel choisi puisqu'il est versé pour le temps non-salarié soit : 1/2 RSG pour un mi-temps et 1/4 pour un 3/4 de temps. C'est un facteur de partage du travail et d'égalisation des chances qui constitue une liberté supplémentaire.
         
      15. Travail immatériel et réseaux

      16. Il faut ajouter à tout cela les transformations décisives des nouvelles forces productives qui n'ont plus besoin de capital (un ordinateur suffit) et valorisent la conception, les transactions ou la production immatérielle. Les fonctionnements en réseau, la coopération collective, favorisent la gratuité et, en tout cas, la déconnexion du revenu et du travail immédiat. S'il y a bien valorisation des personnes, de leurs capacités, celles-ci ne sont pas rémunérés directement, et l'interdépendance des réseaux rend problématique l'attribution de la part de chacun qui n'est plus mesurable par le temps de travail mais fixe une durée déterminée au contrat de collaboration pour l'exécution d'un projet. Un revenu garanti ne se limitant pas au revenu minimum faciliterait donc les réseaux coopératifs comme le logiciel libre. C'est surtout dans le domaine culturel, artistique, sociétal que le revenu garanti est indispensable (intermittents du spectacle). Dans la vaste étendue des productions immatérielles, il apporte une libération de l'initiative individuelle, favorisant innovations et mobilité.
      17. Tiers-secteur alternatif au salariat capitaliste et productiviste

      18. Au-delà de la production immatérielle, certes préférable à la production matérielle, nous avons besoin de soutenir les activités non-salariales et le bénévolat pour sortir du productivisme. Les secteurs les plus porteurs d'un développement humain, à savoir l'éducation, la recherche, la santé, l'environnement, l'innovation, la circulation et le traitement de l'information, tout le domaine culturel devrait être privilégié (la production de l'homme par l'homme). Le revenu garanti doit être cumulable avec la plupart de ces activités, servant de subvention à un développement soutenable.
      19. Transformation des rapports sociaux (citoyenneté, femmes)

      20. Le revenu garanti pour tous apporte des modifications aussi dans la vie démocratique, ouvrant plus de possibilités aux élus ou militants politiques (actuellement majoritairement fonctionnaires ou professions libérales). Il participe aussi à l'émancipation féminine en reconnaissant le travail domestique et en assurant une certaine indépendance financière dans le couple.
      21. Autonomie, dignité, droits effectifs (parité)

      22. Plus généralement le revenu garanti apparaît comme une extension de nos droits et de notre liberté effective dans les choix de notre vie ou l'autonomie dans le couple. Instrument de lutte contre les discriminations, en favorisant les défavorisés, il constitue comme la parité une tentative de réaliser les droits de l'homme, de rendre à chacun sa dignité de citoyen. Il s'agit pourtant, dans un premier temps, de retrouver un peu de la sécurité du statut salarial et de la liberté du contractant largement perdue avec les contrats à durée déterminés.
       
    2. Objections au revenu garanti
      1. économiques
        1. Fin du travail ou refus du travail

        2. Certains partisans imprudents du revenu garanti ayant cru à la fin du travail devant le chômage de masse, la plupart des opposants reprennent cet argument pour s'y opposer, amalgamé avec le "refus du travail" anarchisant. En fait ce qui s'annonce est sans doute la fin du salariat écartelé entre précarité et autonomie, mais on n'arrête pas de travailler, c'est cela plutôt la leçon du revenu garanti. Inutile de croire à la fin du travail pour comprendre l'urgence d'un revenu garanti devant les dégradations actuelles du salariat.
        3. Fin de la "valeur travail" (déconnexion du travail et du revenu)

        4. D'autres s'inquiètent d'une déconnexion entre le travail et le revenu mais cette déconnexion a toujours existée (comme le montrent nos modernes rentiers), elle est même indispensable pour financer la formation et la retraite ou les maladies (voir Supiot). C'est une illusion de croire que le salaire rémunère le travail effectif. Le salariat est basé sur la déconnexion du salaire et du travail effectif (du produit de son travail), permettant au capitaliste de prélever son profit. La justice ne règne pas. Supprimer toute déconnexion du travail et du revenu est d'ailleurs impossible et inhumain. Pourtant un emploi fournit non seulement un revenu direct mais aussi le revenu indirect des prestations sociales. De même dans une économie des externalités la valeur est déconnectée du travail immédiat. Le déclin de la valeur-travail est lié à une économie du savoir où les biens collectifs ne sont plus exceptions et où il est plus difficile de séparer le produit de la personne, le travail empiétant largement sur la vie privée. La fin de la valeur-travail n'est donc pas la fin du travail, même sans emploi chacun continue de participer à la production immatérielle, c'est seulement la fin de l'évaluation du temps de travail.
        5. Trappe à pauvreté

        6. Pour la plupart, l'objection au revenu garanti c'est la "démotivation" au travail et la "trappe à pauvreté" qu'on peut constater en effet pour le RMI actuel mais, la particularité du RSG est d'être cumulable avec un emploi à temps partiel ou une activité individuelle, évitant cet inconvénient du RMI. Au-delà de cet effet de seuil qu'on peut éviter, d'autres oppositions à toute forme d'assistance sont héritées de l'esclavagisme, de la nécessité d'un travail contraint qui ne reflète pas le désir actuel de s'intégrer au réseau social dans un monde où le travail est devenu autonome et plus rarement pénible physiquement. On doit parier sur un plus grand développement humain et non sur un enfermement dans la passivité et l'assistanat.
        7. Faisabilité
          Tout dépend de ce qu'on propose. Notre projet de RSG n'a rien à voir avec certains chiffrages fantaisistes, "extrémistes", d'allocations universelles tout-à-fait irréalistes. Bien sûr on ne peut faire n'importe quoi mais il y a une bonne partie qui est déjà financé par les systèmes sociaux actuels. Nous avons construit le meilleur compromis pour répondre à tous ses objectifs en restant dans un budget réalisable immédiatement, privilégiant un niveau suffisant de revenu garanti plutôt que son universalité à un niveau trop bas.
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      2. sociales
        1. Suppression du smic (déréglementation)

        2. On doit bien reconnaître que certains libéraux proposent une allocation universelle faible en même temps que la suppression du smic pour développer les working poor. Ce n'est pas du tout notre projet mais certains s'opposent à toute forme de revenu garanti sous prétexte de contenir l'ultra-libéralisme. Il y a pourtant un paradoxe à présenter un nouveau droit comme un pas vers la déréglementation.
        3. Baisse des salaires

        4. Pour la baisse des salaires, qui fait parfois allusion à l'expérience de Speenhamland, on peut dire la même chose. Tout dépend du montant du revenu garanti. S'il est trop faible il incite à prendre en complément n'importe quel travail sous-payé (c'est un salaire d'appoint). S'il est suffisant il permet au contraire de résister à des conditions jugées inacceptables (salaire de résistance).
        5. Défense du salariat (priorité à la RTT)

        6. Les syndicats s'opposent en général au revenu garanti sous prétexte qu'il offre une alternative au salariat alors que tout le monde devrait être salarié car la centralité du salariat est indépassable ! Dès lors ce qui importe c'est la répartition de l'emploi et non la répartition des revenus. C'est l'utopie de la RTT, d'un partage du travail qui permettrait à chacun d'être intégré au réseau social mais uniquement par la production capitaliste. D'une part considérer que le travail puisse être réduit au-delà de 32 heures ne prend pas au sérieux le caractère motivant du travail, d'autre part cette répartition rêvée du travail n'atténue en rien le productivisme et la misère mais soumet au contraire l'ensemble de la société un peu plus à la logique du profit. Enfin cela ne répond pas du tout au travail immatériel qui ne se mesure plus en temps de travail, ni au précariat qui se généralise sans protections, sans que les syndicats y apportent un quelconque remède. Le lien social et l'identité salariale sont largement surévalués surtout dans un contexte de dégradation du salariat. Refuser un revenu garanti dans ces conditions témoigne d'un terrible aveuglement.
        7. Renoncer au plein emploi (un chômeur veut un emploi)

        8. Un des arguments repris sans cesse, depuis l'instauration du RMI, c'est que réclamer un droit au revenu serait baisser les bras devant le véritable droit, celui de travailler. Un emploi c'est un droit. En effet, seul l'emploi permet l'intégration, la dignité, la liberté etc. (René Clair disait "le travail est obligatoire parce que le travail c'est la liberté"). L'existence d'un revenu garanti semble annoncer  une dualisation de la société. D'un côté les productifs, de l'autre les "inutiles au monde". Oser même en parler serait désespérer Billancourt ! Or nous prétendons que nous sommes tous productifs, pas seulement les salariés et que l'emploi ne se décrète pas, il faut en donner les moyens. Il est extrêmement cynique de combattre un droit au revenu pour le bien supposé de ceux qui en ont pourtant le plus grand besoin. Il ne suffit pas de ne pas donner une revenu garanti pour que tout le monde ait un emploi dans le meilleur des mondes salarial possible. Mieux vaut toujours reconnaître ses échecs que les refouler par idéologie, mieux vaut le constat d'impuissance que l'impuissance obstinée et aveugle. Toutes ces bonnes intentions refusant de reconnaître aussi l'aliénation du travail, nous mènent au travail forcé des travaillistes anglais.
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      3. morales
        1. Pas de droit sans devoirs

        2. Les arguments moraux sont déplacés aussi bien en économie qu'en ce qui concerne les aides sociales. Cependant certaines bonnes âmes se sont inquiétées de la santé morale de pauvres qui auraient des droits sans devoirs envers la collectivité (il faut "gagner sa vie", recevoir sans pouvoir rendre est humiliant). On ne s'interroge pas autant sur les héritiers et les rentiers dont la moralité est certainement douteuse, bien plus que pour ceux qui ont besoin de ce minimum d'autonomie pour exercer leur jugement moral et se valoriser socialement. Comme tout enfant de la civilisation, il nous faut recevoir d'abord.
        3. Encouragement à la paresse

        4. Malgré Lafarge, écrivant dans un temps où la paresse était une nécessité pour les travailleurs, nous pensons que la paresse est d'abord une résistance à la domination et à la douleur. Quand on a les moyens et que l'effort n'est pas trop pénible, on se valorise, on se forme, on se mesure, on travaille tout le temps enfin. Rien de pire que de ne rien faire. La revendication d'un travail et le thème de l'intégration montrent bien ce que déjà préfigurait l'ergothérapie : le travail n'est plus un devoir, il devient un droit, une richesse, une communauté et un développement personnel.
        5. Prendre à ceux qui travaillent (parasites)

        6. Reste ce reproche, qu'on peut entendre chez les plus pauvres des travailleurs ayant du mal à admettre de travailler dur pendant que d'autres ne font rien. C'est bien compréhensible venant d'une tradition agricole familiale où celui qui ne participe pas aux travaux communs laisse son fardeau aux autres. Ce n'est plus vrai dans notre civilisation avancée où les externalités positives sont essentielles à la production. Ce sont les entreprises qui nous parasitent et non les chômeurs qui parasitent la société. Les entreprises marchandes sont elles-mêmes largement subventionnées et un emploi procure des protections sociales qui ne sont pas en rapport direct avec le travail fourni. Surtout, répétons-le, dans un monde de la production immatérielle, tout le monde travaille tout le temps. Enfin le chômage n'est jamais volontaire et on prend aux précaires plus qu'on ne leur donne. Ce n'est pas le travail qui manque et l'envie de se valoriser, mais les moyens.
        7. Culpabilité et dépendance de l'assistanat

        8. Variante de l'argumentation morale sur les "droits sans devoirs", le sermon libéral insiste sur la servilité de l'assistanat auquel il oppose moins la subordination du salariat que la liberté du créateur d'entreprise, ce qui est pour le moins déplacé. Les arguments visant à supprimer les aides aux pauvres pour leur plus grand bien rappelle le Baudelaire d'Assommons les pauvres. Il y a certes une culpabilité et une dépendance entretenues auxquelles il faut mettre fin par une attribution automatique, un montant décent et un droit universel.
        9. Contrôle social ou sauver le capitalisme

        10. Dernier avatar des oppositions paradoxales au revenu garanti, une critique de gauche y voit un instrument de contrôle social et de confinement de la misère empêchant la révolte des masses. On ne sait plus très bien où on est car le contrôle social est déjà complet et la politique du pire n'est jamais la bonne. Le but du RSG est de réduire au contraire les humiliations du RMI actuel et des aides sociales. L'enjeu est aussi de s'opposer au travail forcé que les anglo-saxons voudraient nous imposer. Quand à sauver le capitalisme ou permettre une alternative au salariat, rien n'est joué, cela dépend de nous. Certains, reprenant la critique de Marx contre Proudhon, réfutent la possibilité de transformer le système de production en modifiant seulement la circulation. Il est bien vrai que le keynésianisme est une régulation du capitalisme, la différence avec le revenu garanti est que celui-ci n'est pas seulement redistribution mais bien destiné à rétribuer une production hors salariat et surtout qu'il ne fait que libérer les nouvelles forces productives de l'immatériel et soutenir des transformations déjà effectives (logiciel libre par exemple). Lorsque Marx revendique le mot d'ordre anarchiste "à chacun selon ses besoins", il situe au-delà, non pas en-deça du revenu garanti et surtout il a bien montré que c'est l'expropriation, la privatisation des terres communes, la privation de toute subsistance et donc la dépendance des prolétaires qui les condamnait au salariat. D'ailleurs Ernest Mendel dans son article Capitalisme de l'Encyclopédia Universalis ne s'y trompe pas et reconnaît dans le revenu garanti l'abolition du salariat. Enfin, capitalisme ou pas nous aurons autant besoin de la taxe Tobin et d'un revenu garanti pour tous.
. Le Revenu Social Garanti, qui assure à tous une protection sociale et un revenu suffisant, est réalisable immédiatement sur la base du RMI, de diverses subventions (à la production agricole ou aux employeurs) et des prestations sociales existantes.

D'ores et déjà l'ensemble des prestations sociales représente 30% du revenu des ménages. Si le RMI était étendu aux -25 ans et qu'on augmentait les minima sociaux à 4000F, la part du revenu social ne dépasserait pas 32%. C'est une somme inférieure aux cadeaux faits aux entreprises.

La résistance à la mise en place immédiate d'un revenu garanti est de nature idéologique plus que budgétaire : peur de déconnecter droit au revenu et travail effectif, volonté de mise au travail forcé des pauvres, contrôle social sur la jeunesse, dénonciation d'une prétendue "société d'assistance", risque de "dualisation" de la société, etc.

C'est pourtant bien une urgence déjà reconnue dont la loi sur les exclusions entérine l'insuffisance criante.

La question est plutôt comment l'absence de revenu garanti est-elle encore possible ? Ce revenu est productif en favorisant l'employabilité, la mobilité et le travail autonome ; il effectue une autre répartition de la richesse, une autre forme d'investissement. Il n'est pas auto-suffisant et ne remplace pas le travail mais permet un dépassement du salariat en sortant du productivisme capitaliste, passage des droits du salarié aux droits de la personne.


[Revenus]